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La meilleure défense dit-on, reste l’attaque. Les grands stratèges vous le diront : quand on veut bien se défendre, il faut d’abord attaquer. C’est une action prévemptive. Encore faut-il pour cela être un fin tacticien. Sinon, gare !
Depuis hier jeudi, l’usine de Fria vit encore un énième mouvement de grève. Les causes de ce débrayage aussi brusque que déterminé restent toujours et encore les conditions salariales jugées très mauvaises par les travailleurs.
Depuis plusieurs jours, le conflit était latent et il a fallu le débrayage des employés du sous-traitant principal EMF pour que les travailleurs de Friguia leur emboitent le pas. Pour mieux comprendre tout cela, il est nécessaire de rappeler certains faits. Tout d’abord, l’usine fête cette année son cinquantenaire. Alors que dans les années précédentes, cela a toujours été l’occasion de grandioses festivités et de primes conséquentes pour les travailleurs, la Direction ne semblait rien vouloir faire sous prétexte que la Compagnie RUSAL est convalescente et qu’ils ne sont présents à Fria que depuis 2002. Soit moins de 10 ans.
Ensuite, il faut aussi savoir que depuis plus d’une année, et l’application d’un salaire minimum dans le secteur des Mines, la Compagnie reste la seule à refuser d’appliquer ce protocole qui a presque valeur de loi. Malgré plusieurs négociations et des débrayages, ses travailleurs (CBK et FRIGUIA) sont les moins payés de tout le secteur minier guinéen.
Troisième fait et non des moindres, la récente augmentation du prix du carburant à la pompe a entrainé une hausse significative des produits de 1ère nécessité. L’Etat avait déjà pris des mesures en relevant de 50% les salaires des agents de la Fonction Publique. La plupart des compagnies minières en avaient fait de même. Mais, fidèle à son légendaire entêtement, RUSAL n’avait encore rien fait et envisageait de ne rien faire.
C’en était trop pour les travailleurs qui, las de constater l’inaction de leur Collège syndical et le refus de la Direction de trouver une réponse satisfaisante à leurs demandes, ont déclenché unilatéralement un mouvement de grève illimité et ce jusqu’à satisfaction de tous leurs points de revendication. Ils ont en mémoire leur action de l’année dernière où ils avaient donné une opportunité au gouvernement du Président Dadis de récupérer et par la même occasion de régler le problème des travailleurs. Ils n’avaient eu droit qu’à un épisode du Dadishow où le Chef de la Junte s’était défoulé contre Anatoly PATCHENKO. Mais au final, ils n’avaient pas obtenu gain de cause et ils ruminent toujours leur déception.
Cette fois, pour obtenir satisfaction, ils n’ont pas hésité à faire arrêter la production d’alumine et à couper l’électricité à la Direction, dans le bloc administratif et sur toute la ville. En plus, ils ont bloqué toutes les sorties de l’usine avec des engins de mine pour mettre un peu plus la pression sur la Direction. En somme, la Direction s’est retrouvée séquestrée dans l’usine mais sans aucune violence physique, ni verbale.
Dès l’après-midi, le représentant de RUSAL en Guinée et son adjointe sont arrivés de Conakry et ont entamé des négociations qui n’ont rien donné jusque tard dans la nuit. Aux environs de 0h 30, une délégation gouvernementale composée de plusieurs ministres est arrivée pour tenter de faire avancer les négociations. Mais la Direction est restée inflexible posant le rétablissement du courant et le déblocage de la rentrée comme tout préalable à des discussions. Ils ont essuyé un refus catégorique des travailleurs. C’est seulement aux environs de 5h 30 que la ministre de l’emploi est parvenue à obtenir la ‘‘libération’’ de la Direction avec la promesse que les négociations allaient reprendre le lendemain au Bungalow à l’Unité III. Mr KRYUCHKOV le directeur avait pris soin de téléphoner à Moscou pour dire qu’il était retenu en otage et qu’il n’était pas libre de ses mouvements. La pression du Kremlin sur les autorités guinéennes a fait le reste. Les négociations.
En attendant le dénouement, voici une anecdote vécue ce matin : à Mr le ministre de l’élevage, Mouktar DIALLO qui tentait de les convaincre de céder et de ramener le courant en ville, les jeunes grévistes ont eu cette réponse : pourquoi nous demander de céder alors que vous vous étiez entêté et avez maintenu votre manifestation au stade du 28 septembre jusqu’à obtenir le départ de Dadis ? Ensuite, nos familles sont les premières à souffrir du manque de courant en ville, et sur ce point, nous sommes à égalité avec Conakry la capitale qui est constamment plongée dans les ténèbres.
A l’heure où nous avons joint nos correspondants sur place, la situation semblait vouloir tourner à l’anarchie. Les négociateurs sont repartis à Conakry pour rendre compte au Premier Ministre car la Direction n’a pas cédé, ne serait-ce que d’un iota. Fatiguées de la coupure d’eau et de courant, les populations du Quartier Alpha Yaya et M’Balia ont érigé dans la nuit de vendredi des barrages en exigeant le rétablissement de ces deux services. Ils ont même saccagé des biens au bord de la voie publique et menaçaient d’aller s’en prendre aux grévistes. Plusieurs voyageurs venant de Conakry ont été rançonnés et ont du marcher à pied de la station d’essence jusqu’en ville.
Finalement, ce samedi matin, la situation n’a pas du tout changé et le mouvement s’est même durci. Les jusquauboutistes restent fermes pendant qu’une grande majorité réclame le rétablissement de l’eau et du courant, au moins pour ne pas perdre des denrées périssables dans les congélateurs et permettre aux fidèles chrétiens de passer une fête de pâques un peu à l’aise.
Dans ce dialogue de sourds, seules les populations innocentes payent le prix et les nuits qui arrivent promettent d’être agités si aucune solution n’est trouvée d’ici là.